Puisque la nostalgie a le culte des bons usages, renouons avec la tradition des « compliments du Jour de l’An », ceux que les enfants sages, jadis, écrivaient ou récitaient à leurs parents dès potron-minet.
Ce texte ad hoc d’Arthur Rimbaud comblera d’aise les oublieux ou les moins inspirés, ravis d’honorer la tradition à l’aide d’un poète maudit, éternellement à la mode.
Premier Janvier
Ah ! quel beau matin que ce matin des étrennes
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l’on voyait joujoux,
Bonbons habillés d’or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !
On s’éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée en se frottant les yeux…
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher…
On entrait !... Puis alors les souhaits…en chemise,
Les baisers répétés, et la gaieté permise !
Arthur RIMBAUD — Œuvres complètes (Paris, Mercure de France éditeur)